C’est presqu’une mission quasi impossible que la nouvelle médiation confiée par l’Union africaine (UA) au président togolais Faure Gnassingbe Eyadema entre la République démocratique du Congo et le Rwanda dans la crise sécuritaire qui déchire la région des Grands Lacs en générale et l’Est du Congo en particulier depuis plus de 30 déjà.
Désigné nouveau médiateur de l’Union africaine par la volonté du président angolais João Lourenço pour le remplacer le 11 avril 2025, le togolais a effectué sa première visite sur le terrain à Kinshasa quatre jours après la reprise officielle du dossier, soit mercredi 16 avril 2025 dans la soirée pour y rencontrer son homologue congolais Félix Tshisekedi.
Accompagné de son ministre des Affaires étrangères, Robert Dussey, Faure Gnassingbé s’était rendu dans la matinée du même jour à Luanda en Angola pour y rencontrer son prédécesseur, João Lourenço, pour une sorte de passation de témoin entre les deux hommes. Dans les deux capitales angolaise comme congolaise, rien n’a filtré des rencontres entre les trois chefs d’Etats ; « La RDC prenant acte de cette désignation tout en espérant qu’elle va rapidement mettre fin au cycle de violences dans l’Est du pays ».
Un dossier si complexe
Dans ce dossier aussi complexe dans lequel il n’est, par ailleurs, plus le seul à offrir ses bons offices ; il y a déjà plusieurs autres offres dont les deux processus de médiation existants de Luanda et de Nairobi à fusionner et harmoniser pour éviter une multiplication des canaux de discussions. A côté, il y a le Qatar qui conduit lui aussi en parallèle, et en toute discrétion, son propre processus de facilitation à Doha. Enfin il existe la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) et la Communauté de Développement d’Afrique Australe (SADC). Les deux dernières organisations ont nommé quatre co-facilitateurs pour suivre ce dossier alors que Doha, qui avait réussi à organiser le 18 mars 2025 la première rencontre entre les présidents Tshisekedi et Kagame depuis plus d’un an, poursuit désormais aussi des discussions entre le M23 et le gouvernement congolais.
La tâche s’annonce donc difficile pour le président togolais, son prédécesseur, le président angolais Joao Lourenço, ayant essuyé plusieurs revers diplomatiques dont les plus humiliants étaient le 18 décembre 2024 lorsque Paul Kagame refusait de se rendre à Luanda pour la signature d’un document pour la paix. Mais aussi le 18 mars 2025, à son insu et à la surprise générale, après plusieurs tentatives avortées de la part de l’Union africaine ; Tshisekedi et Kagame avaient finalement accepté de se rencontrer à Doha. Et depuis lors, rien de changement sur le terrain, l’armée rwandaise renforçant ses positions à l’intérieur du Congo via ses proxy rebelles.
Certes non impliqué directement dans la crise, Eyadema qui parait consensuel n’a que peu de marges de manœuvre dans sa tentative de résolution du conflit qui a resurgit depuis trois ans dans l’Est de la RDC. Malgré ses liens cordiaux tant avec le président congolais Félix Tshisekedi qu’avec le rwandais Paul Kagame, il est à parier que Faure Eyadema aura fort des problèmes dans sa médiation à la recherche d’une paix durable dans la région des Grands Lacs ; tellement l’Union africaine reste trop lente comme bureaucratique dans son incapacité à s’imposer dans les conflits sur le continent.
Pendant ce temps sur le théâtre des opérations, les combats se poursuivent entre les rebelles de l’Alliance Fleuve Congo alliés au M23 soutenus par les troupes de l’armée rwandaise et les patriotes congolais dits Wazalendo. Depuis fin 2021, une demi-douzaine de trêves et de cessez-le-feu ont été décrétés dans l’est de la RDC, tous rapidement rompus. Les derniers affrontements s’étant déroulés le weekend du 11 au 12 avril 2025 dans les périphéries de Bukavu comme de Goma. Outre des nombreux blessés comme des morts, les déplacements des populations demeurent le calvaire quotidien.
L’énigme Kagame
Si le choix par l’Union africaine du président togolais a été sujet à une controverse dans son pays, plusieures organisations se disant choquées par sa désignation alors qu’il viole tous les droits des citoyens dans son pays ; c’est le scepticisme qui apparait.
Alors que les rebelles proxy par lui de l’AFC/M23 ont montré que son contrôle de la situation sur terrain n’était pas total, l’énigme Kagame demeure tout entier. Preuve de leur fébrilité, le harcèlement des Wazalendo contre leurs positions. Que veut au fond Paul Kagame depuis 30 ans que son armée a fait mains basses sur les minerais de l’Est du Congo avec les massacres des populations autochtones qui s’érigent contre lui ?
Toutes choses restant égales par ailleurs, de « Nairobi à Luanda en passant par Doha, Ankara et aujourd’hui Lomé ; Kagame déplace les discussions pour éviter tout engagement sérieux. Cette pratique qui ne vise qu’une chose : contourner les mécanismes officiels et crédibles, notamment ceux de l’ONU ; pour garder le contrôle d’un narratif mensonger maquillé du fond de commerce du génocide de 1994 ».
Aujourd’hui avec un pays étouffé par les sanctions internationales, Kagame n’a-t-il pas renvoyé « tout le monde au diable » le 07 avril 2025 lors des commémorations du génocide à Kigali ? Lâché par le Royaume Uni et ses proches sanctionnés par l’Union européenne, pour les États-Unis ; « il est impératif de revenir à un cadre unique, transparent et multilatéral avec un suivi clair des engagements, le forum shopping n’étant pas un processus de paix mais une fuite diplomatique bien maquillée ».
Des pressions doivent continuer à s’exercer sur Kagame pour cesser tout soutien militaire à l’AFC/M23 et retirer ses troupes de l’armée rwandaise du territoire de la RDC. C’est uniquement à ce prix que la paix s’établira dans les Grands Lacs et particulièrement dans l’Est du Congo.
Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi pour afriwave.com