Alors qu’il aurait fait son retour au pays comme annoncé depuis la ville occupée de Goma par les proxys rebelles armés de l’AFC/M23 soutenus par le Rwanda, la première réaction officielle du pouvoir de Kinshasa contre l’ex-chef de l’Etat Joseph Kabila est tombée.
Deux communiqués d’abord du Cabinet du Ministre d’Etat, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux N° 098 daté du 18 avril 2025 où l’on apprend qu’une « injonction a été donnée à l’Auditeur Général des FARDC ainsi qu’au procureur General près la Cour de Cassation, d’engager des poursuites judiciaires contre monsieur Joseph Kabila Kabange pour sa participation directe à l’agression menée par le Rwanda à travers le mouvement terroriste AFC/M23. En outre, il a été requis de procéder à la saisie de l’ensemble de ses biens mobiliers et immobiliers. Par ailleurs, des mesures de restriction de mouvement ont été prises à l’encontre de tous ses collaborateurs impliqués dans cette affaire de haute trahison à l’égard de la Nation ».

Ensuite du Ministère de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires Coutumières N°25/CAB/VPM/MININTERSEDCAC/SLBJ/09/2025 signé le Ministre Shabani Lukoo Bihago J. en date du 19 avril 2025.
In extenso, on y lit que « L’attitude ambigüe de Monsieur Joseph Kabila, Ancien président de la République, Sénateur à Vie et Autorité Morale du Parti Politique « Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) » qui, face à l’occupation d’une partie du territoire national par l’Armée Rwandaise et ses supplétifs du M23/AFC n’a jamais, dans ses déclarations devant la presse, condamné cette agression ; Son choix délibéré de rentrer au pays par la Ville de Goma sous contrôle de l’ennemi qui assure curieusement sa sécurité ».
Et de poursuivre que conformément à la loi portant organisation et fonctionnement des partis politiques, « les activités du parti politique PPRD sont suspendus sur toute l’étendue du territoire national. Par ailleurs, le Ministre de l’Intérieur va saisir le Parquet près la Cour Constitutionnelle pour porter les faits ».
Le communiqué du ministère conclut que « Cette décision fait suite à l’activisme avéré de l’Autorité Morale du PPRD dans cette guerre d’agresse rwandaise ainsi qu’au silence coupable voire complice dudit parti, violant ainsi le prescrit de l’article 6de la loi sus-évoquée et l’article 5 de la loi portant statut des anciens présidents de la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens Chefs de Corps Constitués ».

Avec ces deux premières décisions fortes de mettre Joseph Kabila, son parti le PPRD et peut-être bientôt sa plateforme politique du Front Commun pour le Congo (FCC) sous éteignoirs, l’Etat n’a fait qu’affirmer son rôle reconnu par la Constitution selon lequel la « Force ne reste qu’à la Loi » face à certains agissements compromettants alors que la Nation se trouve en danger.
L’ex-président de la République et ses complices comme certains proches croyaient aussi peut-être pousser le pouvoir à la faute, mais c’est la loi : Dura lex, Sed lex ; la loi est dure, mais c’est la loi. Avec sa teinte juridique qui sous-entend que, bien que la loi soit très sévère, il faut néanmoins la respecter, parce qu’elle est la loi. C’est l’expression même d’un certain légalisme, c’est-à-dire un attachement rigoureux, voire excessif, au respect de la loi. Cet adage ne résume-t-il pas tout l’esprit du droit en ce qu’il prône le respect littéral de la norme quelle que soit sa sévérité ?
Et comme le dit un autre adage juridique qui est la traduction d’une maxime latine « Nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans », parfois abrégée en nemo auditur ; il était grand temps d’agir avec fermeté car trop de temps avait été accordé aux conspirateurs. Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, une formule signifie que si une personne subit un dommage qui est la conséquence d’une action illicite ou illégale qu’elle a réalisée, elle n’est pas censée demander justice. Ce principe s’appliquant par exemple pour éviter que quelqu’un ne bénéficie d’un crime qu’il a commis.
Dans cette formule, le mot nul étant synonyme de personne. On le retrouve dans un autre adage juridique très connu : nul n’est censé ignorer la loi. Ensuite, le verbe se prévaloir de veut dire précisément « tirer avantage de, tirer profit de ». Quant au nom turpitude, il signifie ici « faute, fraude, comportement illégal », même si son sens habituel est plutôt « comportement indigne, comportement honteux ».
Joseph Kabila comme ses complices ne pouvaient ignorer cela pour vouloir utiliser en leur faveur une faute de trahison qu’ils ont commise face à la Nation. Et comme on dit également qu’A vouloir voler trop haut, on finit par se bruler les ailes, ils devront désormais faire face à la réalité. Car en voulant se donner tous les beaux rôles possibles, « l’on perd un important avantage en dépassant ses limites ou que l’on dépasse les limites pour le regretter ensuite ».
Un retour et une sortie de scène ratés
« Notre objectif est de reconquérir démocratiquement le pouvoir » assurait Ramazani Shadary, le 20 février 2025 alors qu’avec l’ensemble de son équipe, il venait d’être reconduit dans ses fonctions de Secrétaire permanent du PPRD à la faveur d’une décision de Joseph Kabila depuis l’étranger où il se trouvait. Dans leur instinct, les proches de Kabila affirmaient que leur chef « souhaite reprendre en main un pays en proie à un chaos » dont il juge Félix Tshisekedi responsable.
Dans sa propension, le PPRD lors de sa rentrée politique du 07 avril 2025 ; réaffirmait sa résistance face au pouvoir de l’actuel chef de l’État alors que le pays fait face à une guerre « asymétrique » imposée par un voisin belliqueux, en l’occurrence le Rwanda pour un seul besoin de pillage des minerais sur fond de génocide des millions des congolais innocents.
Pour un retour politique depuis la partie sous occupation rebelle et où les tensions demeurent particulièrement élevées soi-disant pour contribuer à la« recherche de la solution », c’est plutôt une sortie de scène ratée dans l’opprobre, cette très grande honte publique. Dans ses dernières déclarations, Joseph Kabila jugeait qu’un an d’exil et six ans d’absence de la scène politique congolaise, le moment est venu pour lui de « rentrer sans délai compte tenu de la dégradation de la situation sécuritaire à travers toute la RD Congo, ainsi que de la déliquescence qui gangrène tous les secteurs de la vie nationale »
Et dans ce déshonneur de la trahison, Joseph Kabila a bénéficié de la complicité des acteurs politiques « nationaux et étrangers », comme des chefs d’États et d’anciens présidents étrangers à l’instar de Yoweri Kaguta Museveni de l’Ouganda, William Ruto du Kenya, du sud-africain Thabo Mbeki sans oublier Paul Kagame du Rwanda.
Bien avant cela et en préparation de son retour au premier plan, depuis plusieurs mois ; Kabila essayait d’être plus présent médiatiquement et politiquement. En décembre 2024, il rencontrait son ancien ennemi et opposant Moïse Katumbi mais aussi Claudel Lubaya en Éthiopie. Le 23 février 2025, l’ex-président publiait une tribune dans le journal africain le Sunday Times. Au même moment, il accordait également une interview en Namibie, alors qu’il ne s’était adressé à aucun média depuis qu’il avait quitté le pouvoir en 2019. Et dans chacune de ces prises de parole, Joseph Kabila critiquait la gouvernance menée par Félix Tshisekedi mais aussi la gestion de la crise sécuritaire dans l’Est du pays liée au conflit avec l’AFC/M23 sans aucunement les condamner pour autant.
Qui ne se souviendrait pas des 18 ans de règne avec une main de fer de Kabila sur la RD Congo ? parvenu comme par hasard au pouvoir après l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila Ka Makolo d’heureuse mémoire, le 16 janvier 2001, il s’était fait ensuite élire difficilement en 2006 face à Jean-Pierre Bemba Gombo, puis réélu en 2011 avec beaucoup des contestations face à feu Etienne Tshisekedi Wa Mulumba, le père de l’actuel Président de la République Félix Tshisekedi Tshilombo.
Les élections prévues en 2016 reportées à plusieurs reprises, pour des raisons logistiques liées à la mise à jour du fichier électoral, mais aussi en raison de l’instabilité sécuritaire de certaines régions du pays, comme le Nord-Kivu et le Sud-Kivu ; avaient finies par être tenues en 2018 sans la participation de Joseph Kabila avec la victoire finale de son successeur actuel Félix Tshisekedi. Des accusations-suspicions fondées liant le report des élections à une stratégie pour prolonger son mandat au-delà de la limite constitutionnelle, la constitution actuelle adoptée par référendum en 2006 limitant le nombre de mandats à deux sans aucune possibilité de renouvellement.
Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi pour www.afriwave.com