CULTURE : Valentin-Yves Mudimbe dit Vumbi-Yoka Mudimbe s’en est allé ! [Hommages]

C’est loin de son pays, la République démocratique du Congo et de sa Jadotville (Likasi), sa ville natale ; que Valentin-Yves Mudimbe devenu Vumbi-Yoka Mudimbe à la suite de la politique de l’authenticité a tiré sa révérence en s’en allant ce mardi 22 avril 2025 dans sa 84ème année de naissance depuis la Caroline du Nord. L’homme des lettres congolais né le 08 décembre 1941 vivait en Amériques depuis plusieurs années.

Philosophe d’Afrique et penseur du monde, écrivain, poète et critique littéraire né en 1941, il en était tout au même moment. Toute sa vie, sa lutte aura été de sortir son continent, l’Afrique du regard colonial. Son œuvre a déconstruit le regard de l’Occident sur l’Afrique, notamment dans The invention of Africa (L’Invention de l’Afrique, 1988), devenu un classique des études africaines.

A la base du concept de « Bibliothèque coloniale », un ensemble de textes, de discours et de récits sur lesquels s’est construite l’image du continent, il demeure un fervent défenseur du principe d’un savoir africain à travers le principe de la gnose et d’une forme d’indiscipline intellectuelle. Il est l’auteur de textes romanesques et poétiques qui prolongent son œuvre théorique.

Son œuvre majeure restera L’invention de l’Afrique MUDIMBE Valentin-Yves ISBN : 9782708709508 20,00 € TTC Collection « Histoire, Politique et Société » qui s’ouvre sur ces propos : « Le partage de l’Afrique, et la période la plus intense de la colonisation, ont duré moins d’un siècle. Ces événements, qui affectèrent la plus grande partie du continent africain, se déroulèrent entre la fin du XIXe siècle et le milieu du XXe siècle. Au prisme du présent, l’expérience coloniale ne représente qu’un bref instant dans l’histoire africaine, mais cet instant est aujourd’hui encore source de douleur et de controverse puisqu’il engendra, à tout le moins, une nouvelle forme historique et ouvrit la voie à des discours d’un genre radicalement nouveau sur les traditions et les cultures africaines… ».

Cet opus magnum paru en traduction française, quelque trois décennies après la publication de sa version originale en anglais est devenu un classique des études africaines dans le monde universitaire anglophone. Sa célébrité, l’écrivain la doit à l’ampleur de sa « réflexion sur les évolutions intellectuelles du monde africain, loin des clichés et des lieux communs. Les phrases d’ouverture ci-haut donnent le ton de son livre, campant la réflexion dans la philosophie, les humanités classiques et modernes, l’histoire des idées et l’histoire tout court. Bref, un livre d’une richesse exceptionnelle ».

Depuis l’annonce de son décès, c’est un florilège d’hommages mérités qui défilent sur les réseaux sociaux et dont afriwave.com se fait l’écho en les publiant.

  • « Le professeur Mudimbe était véritablement un monument intellectuel, dont l’héritage continuera d’influencer des générations de penseurs. Sa capacité à naviguer entre différentes disciplines –philosophie, littérature, linguistique, anthropologie– tout en maintenant une rigueur intellectuelle exceptionnelle était remarquable. Son travail pour décoloniser le savoir et repenser les fondements épistémologiques de la connaissance sur l’Afrique reste plus pertinent que jamais. Paix à son âme, et mes sincères condoléances pour la perte de quelqu’un que vous avez eu la chance de connaître. Son œuvre et sa pensée continueront de vivre à travers tous ceux qu’il a inspirés ».
  • « Valentin-Yves Mudimbe était un philosophe, écrivain et intellectuel congolais de renommée mondiale, décédé récemment. Né en 1941 dans ce qui était alors le Congo belge (aujourd’hui la République démocratique du Congo), Mudimbe était connu pour ses travaux fondamentaux sur l’épistémologie africaine et la critique du discours colonial. Parmi ses œuvres les plus influentes figurent « L’Invention de l’Afrique » (The Invention of Africa) et « L’Odeur du Père », dans lesquelles il analyse comment le savoir occidental a construit et représenté l’Afrique, souvent de manière déformée. Il a développé le concept d’« épistémè occidentale » pour décrire comment les connaissances sur l’Afrique ont été produites à travers un prisme colonial. Mudimbe a enseigné dans plusieurs universités prestigieuses, notamment à la Duke University aux États-Unis, où il était professeur émérite de littérature. Il était également linguiste, romancier et poète, publiant plusieurs œuvres littéraires en français. Sa contribution intellectuelle majeure réside dans sa déconstruction des discours occidentaux sur l’Afrique et sa réflexion sur ce que signifie produire un savoir africain authentique, libéré des catégories imposées par la pensée coloniale.​​​​​​​​​​​​​​​​ Je l’ai croisé au hasard à l’aéroport de Lubumbashi je ne sais plus quand encore. J’étais tellement ému que j’ai crié en le voyant.  Je n’oublierai jamais son regard attachant et profond ce jour-là ».
  • « En RD Congo, l’art du clash trouve dans la politique et la musique ses deux terrains de prédilection… Très tôt, Vicky Longomba s’explique avec Franco par chansons pamphlétaires interposées, Kwamy avec Franco, Nico avec Rochereau… Et ça fera école !  Et nos politicards vont beaucoup emprunter à nos disciples d’Orphée… Chez nos éminences grises, le débat intellectuel sur fond de clash va atteindre son apogée entre 1960 et 1970, sur la Colline inspirée… « La théologie est locale, et doit être portée par des forces locales ! », se permet de faire remarquer un jeune étudiant aux dents longues à son professeur belge soulignant plutôt le caractère universel de la théologie… Tharcisse Tshibangu pose là un acte révolutionnaire à l’époque !  A l’Université de Lubumbashi, c’est un duel aux couteaux entre deux intellectuels de hautes cimes… Et derrière l’un et l’autre se rangent des étudiants enthousiasmés ! A travers ses romans, « Le Bel immonde » et « Entre les eaux », Valentin-Yves Mudimbe proclame à travers ses personnages : « Nous devons nous lier à l’Occident, car il est notre père !» … Georges Ngal lui répond, à travers « Giambattista Viko » : « Non, nous devons construire l’Afrique par l’Afrique ! ». A cette époque, il se déploie, sur le Mont-Amba de Kinshasa et chez les Kassapards, une vie intellectuelle de haut niveau en ébullition permanente… Tous les courants de pensée en vogue poursuivent au fond un but final : le développement ! Ainsi, ces débats iront de pair avec un mouvement étudiant dynamique et… contestataire ! Comment pouvait-il en être autrement : l’université est la plaque sensible d’une société, quand celle-ci veut s’effondrer, c’est celle-là qui craque la première, car elle représente en principe le niveau le plus élevé de la conscience d’un peuple… Un peuple conscient de lui-même, de sa responsabilité historique, de ses ambitions© D.M. »

Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi pour afriwave.com  

Rédaction

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