Il ne se passe plus désormais un jour ou une semaine sans qu’une dénonciation ou un scandale ne vienne éclabousser ou ternir encore davantage la RD Congo ou ses dirigeants aujourd’hui englués dans une crise politique et institutionnelle au lendemain incertain. Le dernier en date c’est ce véritable pavé dans la marre lancé par nos confrères du Magazine Le Soir + de Bruxelles dans son édition en ligne du 29 au 30/10/2016. Sous le titre Corruption du régime Kabila vue de l’intérieur, nos confrères Xavier Counasse et Colette Braeckman détaillent avec documents qui démontrent, de manière indiscutable, des malversations et des détournements de fonds commis par d’éminents membres de la «galaxie Kabila», des membres de la famille ou des proches du chef de l’Etat, jusqu’à présent considérés comme intouchables» et cela en toute impunité.
Dans le rôle de gorge profonde de cette nième déflagration politique, un jeune trentenaire au look bon chic-bon genre : «je m’appelle Jean-Jacques Lumumba, fils de Louise Lumumba, une nièce de Patrice. Mon grand-père en ligne directe était le jeune frère de Patrice, Louis Richard, mais je considère le Premier Ministre, assassiné en janvier 1961, comme mon véritable grand père, ma référence. Jamais je n’ai fait de politique, cela ne m’intéresse pas. Moi, je suis un banquier. Après des études d’économie à Kinshasa, j’ai entamé un MBA (Master of business) et France et au début de cette année, j’ai été engagé à la banque BGFI, comme chef de département des engagements». Il faut noter que c’est du même héro national et ancien premier ministre du Congo indépendant assassiné en 1960 Patrice Emery Lumumba que se réclame héritier le régime AFDL-PPRD en place à Kinshasa depuis le 17 mai 1997.
Menacé d’une arme et enjoint de se taire par son Directeur, Jean-Jacques Lumumba dit avoir pensé à son grand-père, à son combat, à ses principes et ne vouloir pas traîner toute sa vie le boulet d’avoir été complice de ces malversations…car les opérations douteuses dont il était témoin, c’était l’argent du peuple, l’argent destiné à financer les élections». Et de poursuivre comme le note Le Soir : «pouvez me citer, j’ai pris ma décision, aujourd’hui même je démissionne : fort de toutes ces basses manœuvres et dans le souci de préserver ma santé, mon intégrité, ma sécurité, ma réputation et surtout mon professionnalisme face à un environnement de travail jonché d’embûches placées volontairement par certains, je dépose ce jour ma démission au sein de la BGFI Bank RDC SA sans préavis, pour faute lourde de l’employeur et je reste dans l’attente de mon attestation de fin de service».
Il n’est un secret pour personne que la BGFI Bank RDC est la filiale au Congo d’une banque d’origine gabonaise, détenue à 40% par le chef de l’Etat le président Ali Bongo. Elle est considérée comme la banque des chefs comme l’écrit le journal Le Soir. De son Conseil d’Administration à ses dirigeants en passant par ses principaux actionnaires, tous gravitent dans la galaxie Kabila. Ce le cas de son Administrateur et Directeur Francis Selemani Mtwale, qui se considère comme membre de la famille du chef de l’Etat avec lequel il a grandi en Tanzanie. Son père ne serait autre qu’Adrien Kanambe, un plus proche ami de Laurent Désiré Kabila et un militant du PRP (Parti pour la Révolution Populaire, ancêtre du PPRD actuel). Sur les 100% du capital de la dite banque, 40% soit 100.000 actions pour une valeur de 10 millions de dollars sont propriété de Mme Mteyu Gloria, la jeune sœur du chef de l’Etat toujours selon Le Soir.
Le reste du Conseil d’Administration quant à lui serait sous la coupe du cercle le plus proche : au poste de président Pascal Kinduelo Lumbu (ancien directeur de la BIC, une banque rachetée par Dan Gertler, l’ami israélien du président), Victor Kasongo Shomary, un homme d’affaires influent originaire du Maniema qui fut PDG de l’Okimo, les mines d’or de Kilo Moto
La Ceni, une mauvaise foi politique avérée
Le cas le plus scandaleux reste celui de la Commission Électorale Nationale Indépendante (Ceni), qui ne l’est que de nom car phagocytée par le politique. L’organe chargé de la convocation et l’organisation des élections s’est dit incapable de le faire aux dates prévues par la Constitution en 2016 faute des moyens matérielles et financiers suffisants, mais aussi et surtout parce que la communauté internationale, faute de calendrier clair, n’a pas payé les sommes promises. Et le couronnement ce fut le dialogue politique de Kinshasa qui a renvoyé ces élections en 2018, permettant ainsi à Joseph Kabila de demeurer au pouvoir au-delà de son deuxième et dernier mandat constitutionnel qui s’achève le 19 décembre 2016.
Du choix de la banque à la société française Gemalto chargé de la refonte du fichier électoral, le pouvoir en place à Kinshasa qui était dans sa logique de glissement du calendrier savait ce qu’il mijotait note un membre de la Majorité Présidentielle à Kinshasa interrogé par www.afriwave.com. Si non, comment expliquer que c’est Léonard She Okitundu, sénateur de cette même majorité et proche du président Kabila qui conclut le marché avec Gemalto en janvier 2016, en lieu et place des instances de la Ceni ?
Nul n’est besoin de le rappeler que c’est Gemalto qui avait préparé les élections gabonaises qui ont permis à Ali Bongo de rempiler dans les conditions de fraudes massives avec manipulation des fichiers électoraux que l’on connait. Le cas de la province d’origine de la famille Bongo, le Haut Ogoué avec 95,45% des voix obtenues par le président sortant n’étant pas en phase avec le nombre exacte des électeurs dans les 59 localités car supérieur à la population locale. Et pire encore, la banque choisit par la Ceni pour y loger ses comptes est gabonaise et appartient à Ali Bongo. Comprenne qui pourra.
Des révélations faites par Jean-Jacques Lumumba au journal le Soir, il apparait que la Ceni en complicité avec la BGFI Bank joue un double jeu aux conséquences dangereuses pour la survie de la démocratie dans le pays. Car «Depuis janvier 2016 et de la part du gouvernement congolais, la CENI a reçu six versements du Trésor public, pour un total de 55 millions de dollars, sur l’un de ses comptes logés à la BGFI Bank. Si ce n’est un chèque d’un peu plus de 900.000 dollars retiré le 10 mai, rien n’a été dépensé sur ce compte. Fin septembre, au moment où s’arrêtent nos informations, il reste donc à la CENI plus de 54 millions de dollars sur ce livret. Sauf que la CENI joue un double jeu, avec un deuxième compte, également logé à la BGFI. Début mai 2016, il n’y avait pas un euro sur ce compte. Démarre alors une drôle de combine. La CENI, qui dispose pourtant de capitaux importants sur son autre compte, décide de s’endetter. Elle ouvre un crédit de 25 millions de dollars, toujours chez BGFI. « Il est pour le moins imprudent dans le chef de la BGFI d’avoir prêté une somme aussi élevée. Au Congo, il est interdit aux banques de prêter des sommes dépassant 25 % de leurs fonds propres. Or avec 36 millions de fonds propres, la BGFI ne pouvait pas prêter plus de 9 millions. C’est une infraction à la règle prudentielle» comme l’écrit Le Soir qui a consulté un expert en la matière.
D’une autre somme de près de 60 millions de dollars du gouvernement destinée à financer l’achat de matériel électoral, Le Soir révèle que seuls 33 millions de dollars ont financé l’achat de matériel électoral auprès de la société française Gemalto, qui a remplacé la société belge Zetes. Le reste du montant ayant été utilisé pour payement des commissions abusives sans justification aucune ou retiré en cache par des personnes bien identifiées : 2.175.000 dollars ont servi à payer des commissions, et 8.530.400 dollars retirés en espèces, soit près de 11 millions de dollars. Ces retraits ayant été effectués par Lenge Umpungu pour un montant de 3.207.433 dollars, Kisula ngoy pour un montant de 4.970.000 dollars et Kibango Mujinga pour un montant de 352.000 dollars. Pour lui, «tout indique que la machine est mise en place pour faire de même avec les prochains financements alors que le compte de la Cebi est créditeur de plus de 45 millions de dollars».
Pire encore comme le note Jean-Jacques Lumumba, «BGFI Bank se sert aussi allègrement. Sur le compte à découvert de la CENI, la banque prélève en effet de généreux intérêts et commissions. Entre mai et septembre, ce sont près de 3 millions de dollars qui ont été prélevés par la banque. Or il aurait suffi à la CENI d’éviter ce découvert, en utilisant les millions de dollars qui sommeillent sur son autre compte, pour éviter ces frais inutiles. «C’est du détournement de fonds», gronde Lumumba, qui accuse le patron de la BGFI Bank, Francis Selemani, de s’en mettre plein les poches au passage». La banque ne donne aucune explication à ce jeu et le président de la CENI, Corneille Nangaa, se limité quant à lui à un laconique commentaire général : «Nous essayons de gérer au mieux le peu de ressources dont nous disposons. En outre, les opérations normales que nous pratiquons font l’objet d’un rapport qui est présenté au Parlement. Un aspect qui échappe souvent à ceux qui ne connaissent pas le Congo, c’est qu’en dehors de Kinshasa et des grandes villes, les circuits bancaires sont inexistants. Nous sommes donc obligés d’effectuer les transactions en cash».
A qui profiterait alors le crime serions-nous tenté de nous demander. Ce qui n’a pas empêcher de twitter Felix Antoine Félix A. Tshisekedi @fatshi13 13 hil y a 13 heures en ces termes : Les révélations de J-J Lumumba confirment l’absence de volonté d’organiser les élections et dévoilent la raison du « monologue » de Tshatshi.
Et comme d’habitude pour justifier toutes les turpitudes, Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais; caricature sur «une affaire qui est à première vue une légende d’un individu qui tente de profiter de la situation pour se faire une notoriété». Se réclamant lumumbiste et d’ethnie tetela comme Jean-Jacques Lumumba, Mende se dédit toujours.