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Vidéo massacres à Muanza Lomba : des explications du gouvernement peu convaincantes

Un exercice politique difficile et périlleux que fut cette tentative du gouvernement de Samy Badibanga de s’expliquer depuis la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo mettant en cause les forces armées du pays (FARDC) dans un massacre de civils qui fait grand bruit. A force des contradictions, il apparaît clairement un déficit criant de cohésion au sein du gouvernement pour savoir qui dit ou fait quoi, dans un silence ex-cathédra du premier ministre Samy Badibanga qui apparemment n’a aucune autorité sur ses ministres.

Ces couacs à répétition dans la communication gouvernementale n’en sont pas à leur première. Le mois passé déjà, ce fut déjà le ministre de la Justice et Garde des Sceaux Alexis Tambwe Mwamba qui contredisait son premier ministre Samy Badibanga à propos de l’interdiction faite par ce dernier aux membres du gouvernement de signer des Arrêtés ministériels. La semaine dernière, ce fut le tour du ministre de la Communication Lambert Mende, porte-parole du gouvernement de contredire son collègue de Budget Pierre Kangudia à propos de la capacité du gouvernement à ne pas mobiliser 1.8 milliards de dollars américains pour l’organisation des élections en fin 2017.

Paul Nsapu, SG adjoint à la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) pour l’Afrique résume bien la situation : «Sans aucune enquête sérieuse, 3 membres du gouvernement se sont précipitamment exprimé en l’espace de 3 jours donnant 3 versions différentes et contradictoires : d’ abord Lambert Mende, Ministre de la Communication  et Porte-parole du gouvernement qui qualifie la vidéo d’un montage grossier fait en Belgique par les opposants au régime. Ensuite Emmanuel Ramazani Shadari, Ministre de l’Intérieur qui reconnait, pince sans rire, d’une scène filmée lors d’un exercice de simulation par les FARDC d’une attaque anti-terroriste et dont les opposants au régime s’en sont servi pour discréditer le gouvernement. Et, enfin Léonard She Okitundu, Ministre des Affaires Etrangères  qui reconnaît un usage excessif de la force et fustige la formation de nos militaires».

A vouloir chercher à tout expliquer, le gouvernement se retrouve dans une situation de fragilité qui démontre une sorte d’auto-accusation dans cette tragédie.Dans une légèreté passible d’une condamnation, Lambert  Mende va même plus loin en citant le nom d’un certain Richard Mudoza Muzembe, habitant dans la commune bruxelloise de Schaarbeek comme étant un proche de Moise Katumbi à la base de ce montage vidéo pour discréditer le gouvernement auquel il appartient.

Dans deux communiqués diffusés le même 19 février 2017, le ministre de l’Intérieur tente une manœuvre de communication en direction de la communauté internationale sur la non existence dudit massacre mais en même temps reconnait un exercice militaire filmé près du site incriminé à Muanza Lomba près de Kananga. Et dans un deuxième, il condamne fermement les massacres perpétrés au Kasaï par certains éléments indisciplinés de l’armée avant de dire combien le président de la République compatit à la douleur des familles éprouvées et leur présente ses sincères condoléances. C’est à ne rien comprendre.

Américains et Français pressent l’Exécutif congolais à faire vite toute la lumière sur cette affaire.

Dans son communiqué de dimanche 18 février 2017, le Département d’État demande l’ouverture d’une enquête immédiate  et approfondie en vue d’identifier ceux qui ont perpétré de tels abus odieux, ce en collaboration avec les organisations internationales chargées du suivi des Droits de l’homme. Se disant profondément préoccupés par les séquences vidéo qui semblent montrer des éléments des forces armées de la République démocratique du Congo exécutant sommairement des civils, y compris des femmes et des enfants, les Etats-Unis poursuivent que ces exécutions extrajudiciaires, si elles sont confirmées, constitueraient des violations flagrantes des droits de l’homme et menaceraient d’inciter à la violence et à l’instabilité généralisées dans un pays déjà fragile.

De son côté, le gouvernement français exprime sa grave préoccupation après la diffusion sur internet d’une vidéo montrant des membres présumés des forces armées de la République Démocratique du Congo se livrant à des exécutions extrajudiciaires contre la population civile, y compris des femmes et des enfants, dans la région du Kasaï. Il exhorte les autorités congolaises à faire au plus vite la lumière sur ces agissements inacceptables et à identifier les responsables, qui devront répondre de leurs actes. La France condamne les violences meurtrières qui secouent la région du Kasaï depuis plusieurs mois. Elle appelle les autorités et les forces de sécurité congolaises à assumer leur responsabilité première de protection des populations civiles, dans le plein respect des droits de l’Homme. République démocratique du Congo-Situation dans le Kasaï (20 février 2017) http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/republique-democratique-du-congo/evenements/article/republique-democratique-du-congo-situation-dans-le-kasai-20-02-17.

Gravement préoccupée, L’Union européenne (UE) exige également une enquête officielle approfondie, afin d’établir de manière objective et transparente les faits, et contribuer ainsi à une sortie de crise. Elle en appelle à toutes les parties pour une retenue, et exhorte les autorités nationales, provinciales, locales et coutumières à s’engager en faveur d’une cessation durable des hostilités. L’UE exprime également sa grande préoccupation quant aux rapports faisant état d’un recours disproportionné à la force par des présumés militaires des forces de l’ordre contre des présumés adeptes Kamuina Nsapu.

Les politiques congolais n’en sont pas moins qu’impliqués

Des élus de tous bords ont reproché aux autorités leur mauvaise gestion de cette crise et la réponse purement militaire au problème de le Kasaï.  Il revient aux autorités à tous les niveaux, provincial et national, de trouver une solution à ce problème né de leur gestion du pouvoir coutumier, a déclaré à l’AFP le député de la Majorité Ibrahim Ikulu. Pour sa part, Corneille  Masuasua, un autre député de l’opposition note que la solution à ce problème est politique et non militaire et qu’il est dangereux de s’appuyer sur le volet militaire pour penser résoudre cette crise.

Le plus critique demeure Claudel Lubaya, président du parti politique UDA Originelle et ancien gouverneur de la province unifiée du Kasaï Occidental 8 ans durant : le gouvernement est responsable de cette violence aveugle. Les autorités ayant fait une erreur d’appréciation en tuant Kamuina Nsapu, un chef coutumier tué dans une opération militaire en septembre 2016. Depuis la mort de ce dernier, les trois Kasaï (Kasaï-central, Kasaï-Oriental, Kasaï-Occidental) sont dans la tourmente. Les violences ont fait au moins 200 morts.

L’appel du Pape François

Après la mort du chef Kamuina Nsapu abattu par l’armée lancée à sa poursuite, plusieurs autres tueries ont concernées ses présumés miliciens dans les provinces des Kasaï Central et Oriental. La dernière en date dont la vidéo circule sur les réseaux sociaux a ému jusqu’au Pape François au Vatican. Dans sa prière de l’Angelus sur la Place Saint-Pierre à Rome du 19 février 2017, il en a appelé à la fin de ce cycle des violences en RD Congo avec condamnation particulière de  l’utilisation d’enfants soldats : «Je ressens profondément la douleur des victimes, particulièrement celle de ces nombreux enfants qui sont arrachés à leurs familles et à leurs écoles pour être utilisés comme soldats».

Cette déclaration du Souverain pontife intervient alors qu’au moins 25 personnes ont été tuées lors d’une attaque menée par une milice maï-maï dans la province du Nord-Kivu en fin de semaine dernière. Concernant la vidéo mettant en cause l’armée congolaise dans un massacre de civils dans le Kasaï, le  pape a exprimé ses regrets en des termes clairs : «Nous continuons de recevoir de tristes informations d’affrontements violents et brutaux dans la région du Kasaï-central de la République Démocratique du Congo» avant interpeller via un «appel urgent aux autorités nationales et à la communauté internationale afin qu’elles prennent rapidement les décisions appropriées pour mettre fin aux violences».

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