C’est au nom de la compétence universelle pour de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité reconnus imprescriptibles en droit international, que la justice belge a ouvert un dossier d’enquête contre Alexis Thambwe Mwamba. Ministre de la Justice et Garde des Sceaux en RDC, résident permanent en Belgique depuis 19 ans, l’homme est aujourd’hui visé par une plainte dans l’affaire de l’explosion en l’air d’un avion civil près de Kindu.
Cette tragédie se déroule près de la capitale du Maniema, province d’origine du ministre en 1988 ; en pleine deuxième guerre de rébellion dirigée depuis le Rwanda contre Laurent-Désiré Kabila sous le label du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD-Goma). En effet, le 10 octobre 1998, un Boeing 727 de la compagnie Congo Airlines est abattu avec 50 personnes à bord (43 civils, essentiellement des femmes et des enfants, et 7 membres d’équipage). Alexis Thambwe Mwamba, un des leaders du RCD-Goma de l’époque justifiait sur les ondes de RFI le tir du missile (un Sam 7) sur l’appareil par le fait que l’avion était sur le point d’atterrir avec des militaires pro-Kabila à son bord. Une version démentie par les responsables de la compagnie aérienne et de nombreux témoins pour qui l’avion avait plutôt décollé de Kindu, transportant des civils qui cherchaient à fuir.
C’est un certain Oscar Rachidi, frère de l’un des passagers de ce vol et plusieurs autres familles qui ont aussi perdu les leurs dans ce tir de missile qui sont à la base de la plainte déposée par l’avocat bruxellois Alexis Deswaef depuis plus d’un mois. Le parquet de Bruxelles n’a pas non plus attendu pour désigner un juge d’instruction en la personne de Michel Claise ; celui-là même qui a instruit le dossier sur la corruption présumée du gouvernement Muzito connu sous le nom de l’Affaire Duferco-Kubla-Princesse Odette dont la trame essentielle se déroule à Kinshasa. Le même juge avait déjà instruit, en 2003, un dossier dans lequel on retrouvait Alexis Thambwe Mwamba, présenté alors comme le roi du cobalt dans une autre affaire de corruption.
Nul n’en doute que cette nouvelle affaire va encore tendre un peu plus les relations entre Kinshasa et son ancienne métropole, déjà exacerbées depuis la publication de nouvelles sanctions européennes contre neuf personnalités du régime congolais impliquées dans les violences et les crimes perpétrés depuis de longs mois au Kasaï.
Affaires, résidence et carte de séjour : une question de survie
Outre la plainte pour acte terroriste et crime contre l’humanité en abattant un avion civil, le ministre Thambwe est également soupçonné de détournement de biens publics. Profitant du climat ambiant de la corruption qui gangrène le pays, la société Ngalula Fleur Thambwe Mwamba, du nom de la fille du ministre, qui a installé son siège social à Louvain-la-Neuve alors qu’elle n’a aucune activité en Belgique ; aurait remporté un appel d’offres pour la distribution des repas dans les prisons du pays. Pourtant, l’on sait que pas le moindre repas n’est servi depuis des années dans les prisons et que ce sont les familles des détenus qui s’occupent de leurs dans ces lieux aujourd’hui sujets à des évasions spectaculaires depuis deux mois partout en RDC.
Le ministre Thambwe Mwamba, qui est domicilié à Uccle dans sa propre maison, une des communes huppées de Bruxelles, est un résident belge et serait détenteur d’une carte d’identité pour étranger valable cinq ans. A défaut de cette carte d’identité pour étranger, il peut être détenteur d’une autre carte d’identité toujours valable cinq ans mais qu’on attribue aux parents dont les enfants sont naturalisés belge et qui s’appelle carte d’identité pour étranger famille apparentés Europe. Le fait de posséder une carte de résident permanant étranger de l’Union Européenne lui donne toujours une longueur d’avance si le régime auquel il appartient tombait un jour : celle de fuir immédiatement dans l’un des pays membres de l’UE sans y être inquiéter. A moins que la Belgique prenne la décision de lui retirer ladite carte de séjour.
Du MPR parti-Etat de Mobutu où il possédait une influence non de moindre à l’Union des Démocrates Indépendants (UDI), parti fondé avec Kengo dans les années 1990 pour infiltrer l’opposition de l’Union Sacrée autour de feu Tshisekedi ; Thambwe Mwamba fut de toutes les rebellions avant de rallier Joseph Kabila. Du RCD-Goma au MLC de Jean-Pierre Bemba ; il a toujours réussi à jongler avec tout le monde pour sortir la tête hors de l’eau grâce de fois à des réseaux des frères francs-maçons ou de rose-croix. Du reste, son nom qui était apparu le mois passé sur les prélistes des personnes qui devaient être sanctionnées par l’UE avait disparu dans la version définitive. Avant même la diffusion de l’info sur la plainte contre lui alors qu’il séjournait à Bruxelles, il a quitté précipitamment la capitale belge pour Genève en Suisse afin d’éviter d’être contraint par le juge de ne pas quitter le territoire belge avant son audition. Une preuve de plus qui démontre que le ministre dispose de réseaux influents.
Une autre plainte le visant l’est aux Etats-Unis par Daryl Lewis, l’ancien agent de sécurité de Moise Katumbi arrêté et torturé à Kinshasa en avril 2016. Relâché sous la pression de Washington, il avait déposé plainte contre X, tout en visant le ministre de la Justice Thambwe et le patron des services de renseignements, M. Kalev en rentrant dans son pays. La question qui demeure est celle de savoir pour combien de temps encore Thambwe Mwamba s’échappera pendant que l’étau se resserre petit-à-petit autour du régime ?